Pour nous prémunir des pandémies, protégeons les animaux - Marta Orzel pour Télérama (Extraits)
"Les maladies émergentes proviennent souvent de pays aux écosystèmes menacés. Il est impératif de respecter ces territoires," alerte la vétérinaire Jeanne Brugère-Picoux.
“Il faut comprendre que les chauves-souris sont inoffensives si on ne modifie pas leur écosystème.”
Et si l’on écoutait davantage les vétérinaires pour étudier les maladies émergentes et combattre les pandémies ? Professeure honoraire de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, agrégée de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour, mais aussi membre de l’Académie de médecine, Jeanne Brugère-Picoux avait écrit dès 1989 une étude alarmiste sur l’encéphalopathie spongiforme bovine (maladie de la vache folle), soulignant le risque qu’elle représentait pour l’homme. À l’inverse, aux épidémiologistes qui en 2005 prédisaient cinq cent mille morts par le virus de la grippe aviaire, elle opposait sa certitude d’une barrière d’espèce entre la volaille et l’homme. Dans les deux cas, les faits lui ont donné raison.
Aujourd’hui, Jeanne Brugère-Picoux nous rappelle l’importance de bien connaître les animaux – en l’occurrence, pour les coronavirus, les chauves-souris – et de respecter les territoires de la faune sauvage…
« …Il faut comprendre que les chauves-souris sont inoffensives si on ne modifie pas leur écosystème et si on cesse de déforester. En Malaisie, où on a beaucoup déforesté, la proximité de plusieurs élevages de porcs et des chauves-souris a permis, à partir de 1998, l’émergence du virus Nipah. Le porc n’était qu’un hôte intermédiaire amplificateur. La contamination humaine s’est faite par l’environnement, ou par la voie alimentaire. Cela a aussi été démontré en 2004, au Bangladesh, où des personnes ont été infectées par le virus Nipah après avoir consommé du jus frais de palmier-dattier contaminé par des chauves-souris frugivores…
Le généticien Axel Kahn dit que le vaccin contre le Covid-19 arrivera avant un an…?
C’est possible, mais il faut se souvenir du Sars-CoV-1, à l’origine du Sras : il a disparu (hormis quelques cas en 2004), et la mise au point du vaccin a été abandonnée. Aujourd’hui, la pression infectieuse est énorme, mais si l’épidémie s’arrête ? On oubliera le vaccin. Et si le Covid-19 persiste par vagues, mute, il faudra prévoir un vaccin six mois à l’avance sans savoir si ce sera le bon. Les virus sont un monde complexe. En 2008, tout le monde s’est affolé autour du virus H5N1, de la grippe aviaire. Je n’ai jamais cru à une pandémie, car il y a barrière d’espèce entre les volailles et l’homme. Et de fait, cette grippe ne s’est jamais adaptée à l’homme, et a fait peu de victimes. Finalement, c’est un virus H1N1, une grippe traditionnelle, qui est arrivée, et pour laquelle une seule dose de vaccin suffisait …