Entretien - La crise du coronavirus « confirme notre entrée dans l’Anthropocène » Dominique Bourg.
28 avril 2020— Propos recueillis par Victor Roux-Goeken, entretien accordé à Contexteenergie
La pandémie est « un cas exemplaire de crise environnementale » qui illustre « la destruction des écosystèmes en cours » au risque d’ « extrêmement secouer nos sociétés », selon le philosophe franco-suisse, professeur honoraire à l’université de Lausanne. Dans un entretien accordé à Contexte, l’ancien candidat aux élections européennes (Urgence écologie) critique l’aide votée par le Parlement aux entreprises en difficulté – dont le secteur aérien – sans contrepartie. « Une dénégation de la réalité. »
V R-G :Comment qualifier la crise que nous vivons ?
Pour la plupart des gens, il s’agit d’une crise sanitaire. Or, nous avons là un cas exemplaire de crise environnementale. Cette autolimitation illustre de façon brutale, violente et très coûteuse la destruction des écosystèmes en cours.
Le virus a pour origine une espèce de chauve-souris particulière, dont l’habitat a été détruit, et qui s’est rapprochée des habitats humains.
Un écosystème riche s’équilibre. Plus vous détruirez d’espèces, moins il y aura de refuges possibles pour les pathogènes, alors contraints de circuler. Parmi les maladies infectieuses, 60 % sont des zoonoses. Beaucoup remontent au Néolithique et à l’émergence de l’élevage. Désormais, pour les maladies émergentes, 75 % sont d’origine animale…
L’humanité se comporte avec la biodiversité un peu comme avec une voiture avec laquelle on continuerait de rouler tout en supprimant de plus en plus de boulons. Il en va d’ailleurs de même avec le climat.
Cette crise confirme notre entrée dans l’Anthropocène, cette époque où il va être de plus en plus difficile de vivre sur Terre, avec des vagues de chaleur qui vont peser sur la production alimentaire et favoriser l’apparition de nouvelles maladies. Le réchauffement est déjà de 1,1 °C. Il va vers + 2 °C en 2040, nous l’avons déjà quasiment décidé….
Je signale qu’avec un réchauffement de 2 °C, la probabilité d’avoir en zone intertropicale des journées très chaudes avec une humidité telle que le corps humain ne peut plus évacuer sa chaleur interne au point d’en mourir en moins de 10 minutes, est bien réelle.
Laisser filer le trafic aérien et les autres consommations, et parvenir ainsi à un réchauffement de 3,5 à 4 °C, c’est l’assurance de semaines à chaleur humide mortelle, et au-delà de la zone intertropicale.
Accepter cela au nom du chômage est criminel. Imaginez des étés à Paris avec une température continue de plus de 40 °C. Croyez-vous pouvoir continuer à consommer normalement ? ...(Texte intégral )